Un trimardeur mathématicien

Mai 2015
dimanche 28 février 2016
par  Gia

Lors de nos visites aux archives départementales (voir les précédents numéros de l’Éclat), nous avons croisé le destin d’un grand nombre de vagabonds, fichés à l’état vert et sillonnant le département, le plus souvent seuls et à pied. Personnages hauts en couleurs, grandes gueules, portés sur la boisson, ils sont fichés comme anarchistes, même s’ils ne semblent pas fréquenter les groupes organisés.
Étienne Marius Noël Bor est un de ceux-là, mais il s’en démarque par son degré d’instruction. La grande majorité des trimardeurs fait la route en vendant des chansons et de menus objets ou travaille épisodiquement en louant ses bras. Bor, né à Montpellier le 25 décembre 1857, est bachelier es lettres et es sciences. Il aurait enseigné les mathématiques avant d’être révoqué. On sait aussi qu’il fut expulsé de Genève.

On signale sa présence dans l’Ain dès 1896. Il parcourt le département dans tous les sens (Gex, Thoissey, Trévoux). Il est soumis à une étroite surveillance. Lorsqu’il est écroué pour vagabondage à la maison d’arrêt de Gex le 16 septembre 1899, il a déjà subi 32 condamnations.

Malgré son degré d’instruction, ses discours ne semblent pas particulièrement élaborés : il se contente le plus souvent de proférer des injures et des menaces, ce qui lui vaut de fréquents séjours en prison. C’est ainsi que, le 28 octobre 1902, il s’en prend aux gendarmes venus l’interpeller : « Les gendarmes, je les emmerde ». Il se laisse néanmoins conduire au poste, où il réitère : « J’emmerde le lieutenant, le capitaine, le commandant et la moitié des gendarmes ; l’autre moitié, je l’ai au derrière ». Le tout, en se tapant sur la cuisse. Résultat : un mois de prison. En août 1900, il avait déjà purgé 10 jours de prison pour outrage au Maire de Thoissey qu’il avait apostrophé dans des termes semblables.

Comme quoi la rigueur mathématique n’est pas incompatible avec la truculence du langage.