Prolégomènes à une campagne contre les biotechnologies dans l’Ain.

Décembre 2014
jeudi 12 février 2015
par  Quentin

Les agents du reconditionnement technologique des forces productives agricoles ont trouvé en Bresse un terreau fertile, et ce malgré la fausse conscience commune qui veut que notre territoire soit une terre de tradition. Ce n’est plus seulement dans l’art de dépouiller le sol et le paysan, de paupériser les campagnes qu’excelle l’industrie, mais dans celui de produire artificiellement le vivant et de l’intégrer dans un environnement numérique autonomisé : les fermes high-tech tant vantées cette année au salon de l’agriculture, truffées de capteurs, de caméras, de robots automatiques et bientôt de drones, pilotées à distance via la tablette électronique de l’entrepreneur agricole devenu impotent.

Génétique, informatique et robotique convergent vers la création d’un écosystème numérique censé se substituer à la nature. Les discours propagandistes des entreprises et laboratoires de recherche présentent ce qui est une destruction effective de la vie vivante comme une solution écologique pour prévenir les désastres que l’industrie propulse depuis près de deux siècles : une brève analyse verrait comme une évidence le fait que l’intégration de l’écologie dans le processus technicien n’a d’autres fins que de grossir la bourse des entreprises qui exploitent le désastre en plus d’accroître l’empire de la technique et de son pouvoir dans toutes les sphères de la vie.

C’est là ce qui se précise dans les laboratoires de l’Union montbéliarde de testage à Ceyzériat, où le but avoué, selon le président Denis Clément est de « mettre à disposition les vaches les animaux les plus faciles possibles, mais en même temps de préparer la vache du futur, celle qui saura s’adapter à la mise en place de la robotique sur les exploitations ». La vache du futur est le résultat de l’application des biotechnologies en agriculture, elle n’est rien d’autre qu’une suite d’algorithmes devenus concrets, matérialisés.

La description des techniques nécessaires à son existence suffirait d’elle-même à rendre conscient du désastre qu’elles annoncent. Des dispositifs de génotypage permettant de déterminer les variations génétiques les plus rentables en plus de fournir matière à penser aux ordinateurs des laboratoires développant les futures techniques de manipulation du vivant. De la transplantation embryonnaire qui consiste à transformer une vache au patrimoine génétique valorisé en véritable usine à embryons, en déclenchant une superovulation au moyen d’un produit fabriqué à base de glande endocrine de porcs qu’on lui injecte, embryons ensuite transplantés dans plusieurs vaches receveuses dont le patrimoine génétique convient le mieux à cette fonction. Embryons congelés dans l’azote liquide pour être exportés aussi bien sur le territoire national qu’à l’international, et sagement listés dans une banque de données publiée sur les fameux catalogues d’où sortent ces montbéliardes qui peuplent nos champs. Des robots de traite aux innombrables capteurs capables d’identifier la physiologie de l’animal, sa biologie, son comportement, reconnaissant les mamelles et s’activant automatiquement en présence de la vache. De l’obscure production d’embryons au moyen de techniques dites de sexage des semences : un dispositif muni d’un rayon laser permet d’agir directement sur l’ADN en envoyant des charges positives ou négatives permettant de décider du sexe de l’animal selon les besoins de l’éleveur.

Face à une telle situation qui n’est plus seulement une dégradation des espèces mais davantage leur extinction, seul l’arrêt définitif des recherches et manipulations réalisées s’avère être une solution. Il n’y a rien à en conserver. D’autant plus que l’ouverture des marchés du vivant, logique du capital qui s’étend au plus profond de l’être grâce à ses nouveaux moyens de production et de recherche, s’acheminera inexorablement vers le marché de la procréation humaine. Le combat à mener est autant idéologique que concret : il s’agit de mettre scientifiques-techniciens et éleveurs face à leur responsabilité, de destituer la recherche de son pouvoir de décision, de mener une critique de fond sur le chemin pris par la science depuis deux siècles en plus de hâter la fermeture concrète de ces laboratoires.