Premier mai : non, ce n’est pas la fête du travail !
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Journée pépère en famille, tonte de la pelouse, brins de muguet vendus au coin de rues, processions syndicales au parfum de merguez et de bière éventée : tout porterait à croire que, chaque premier mai, on fête le travail. Le premier mai : un jour férié comme les autres ?
Un peu d’histoire
C’est le premier mai 1886 que, grâce à des luttes acharnées, les travailleurs américains imposent la limitation de la journée de travail à 8 heures dans certaines entreprises. Mais tous les patrons n’acceptent pas de reconnaître cet acquis social. Une grève générale est déclenchée pour étendre la journée de 8 heures à tous les secteurs. À Chicago, les manifestations sont violentes : trois grévistes sont tués le 3 mai. Le 4 mai, à Haymarket Square, une bombe explose lors de la dispersion d’une manifestation. Cinq militants anarchosyndicalistes (dont on reconnaîtra officiellement l’innocence en 1893) sont accusés. Ils seront condamnés à mort. En 1889, la seconde Internationale fait du premier mai un jour de manifestation pour obtenir la journée de 8 heures. Depuis, les travailleuses et les travailleurs se saisissent de cette date pour rappeler leurs revendications. Parmi ces revendications, c’est la réduction du temps de travail qui est mise en avant. Le premier mai n’est donc pas un jour de fête comme les autres, et encore moins la fête du travail !
Ne fêtons pas le travail : faisons lui sa fête !
Malheureusement, le capitalisme est doué de la faculté de récupérer et de détourner les forces qui le contestent : alors que les premières manifestations du premier mai visaient à obtenir plus de temps libre, on va progressivement faire de cette date un symbole de la glorification du travail. Ce n’est pas pour rien qu’en 1941, Pétain transforme le premier mai en « fête du Travail et de la Concorde sociale ». Il s’agit de sacraliser le travail en en faisant une valeur. Ce qui n’est en soi qu’une activité pénible et nécessaire est transmué en acte rédempteur, faisant communier le patron et l’ouvrier dans la poursuite d’un même but. Le travail et l’effort s’opposent à la paresse et à l’oisiveté, mères de tous les vices. La Libération ne changera pas grand-chose : si le premier mai devient jour férié et chômé en 1947, en 1948 il est officiellement nommé « fête du travail ». La longue liste des saints patrons du calendrier chrétien s’enrichit d’une nouvelle divinité : le Travail. Travail et productivité sont les deux mamelles flétries auxquelles s’accroche le capital pour téter son lait amer. De nos jours, le triste comique qui gouverne la France se fait le champion de la « valeur travail » et du « travailler plus ». Quant aux socialistes de tous bords, ils ne se sont jamais démarqués de l’idéologie productiviste qui glorifie le travail. Qu’ils le fêtent sans nous !
Vers une société sans travail ?
Les libertaires luttent pour défendre les travailleuses et les travailleurs. Mais il serait erroné de croire qu’ils défendent le travail : ils cherchent au contraire à en libérer l’humanité. Même s’il semble utopique d’envisager une société où l’humanité serait totalement libérée de la nécessité de travailler, notre projet libertaire doit viser à réduire le travail au strict minimum. Nous nous efforçons de construire une société dans laquelle les êtres humains, s’émancipant du cycle infernal et mortifère de la production/consommation, pourraient s’adonner à des activités librement choisies. Certes, il sera toujours nécessaire de travailler. Mais, si l’on s’interroge sur la réalité de nos besoins et si l’on met en place un partage équitable du travail, il est possible de construire un monde où l’on travaillera moins... pour vivre mieux.
Mai 2011