Ngo Van : Itinéraire d’un libertaire vietnamien
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Quand Ngo Van s’engage dans la lutte contre le colonialisme et pour la révolution sociale, 11 ans après la révolution russe, il la considère encore - ainsi que beaucoup de ses contemporains - comme porteuse d’espoir. Malgré cela, bien avant que les procès de Moscou soient connus du grand public, il perçoit des signes inquiétants annonçant la vraie nature du pouvoir bolchevique : Trostki venait d’être exilé et des révolutionnaires étaient pourchassés. Il se méfie donc du parti communiste et commence à militer dans l’opposition de gauche aux staliniens, menée par les trotskistes vietnamiens.
Pendant la lutte anti-coloniale, il se trouvera pris entre deux feux : quand les trotskistes ne sont pas emprisonnés et torturés par le pouvoir colonial, ils sont purement et simplement liquidés par les staliniens.
Quand il quitte l’Indochine pour s’installer en France, en 1948, ses expériences militantes vont le conduire à des « réflexions nouvelles sur le bolchevisme et la révolution ». Il rencontre des Espagnols du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, parti révolutionnaire anti-stalinien) et de la CNT qui ont vécu une expérience similaire : « celle d’être engagés dans un combat sur deux fronts, contre un pouvoir réactionnaire et contre un parti stalinien en quête de pouvoir ».
La rencontre avec Maximilien Rubel et Daniel Guérin, le conduira sur la voie d’un marxisme libertaire. Tirant les enseignements de l’expérience des Conseils ouvriers dans la Bavière de 1919 et de la révolte de Kronstadt en 1921, il s’éloignera du « bolchévisme-léninisme-trostkisme » et se méfiera de tout ce qui peut ressembler à un appareil. Ngo Van militera pour l’auto-organisation des luttes et la démocratie directe, loin de tout avant-gardisme.C’est ainsi qu’il rejoint le communisme de conseils ( notamment Informations et Correspondances Ouvrières et Échange et Mouvement).
C’est donc à la fois l’expérience concrète du militant révolutionnaire et la réflexion théorique qui ont guidé Ngo Van vers une critique radicale de la forme-parti : « Les partis dits ouvriers (le parti léniniste en particulier) sont des embryons d’État. Une fois au pouvoir, ces partis constituent le noyau de la nouvelle classe dominante, et ne peuvent donner naissance qu’à un nouveau système d’exploitation de l’homme par l’homme ». (Ngo Van : Au pays de la cloche fêlée).