Les douze preuves de l’inexistence de Dieu de Sébastien Faure.

mardi 10 février 2015
par  Gia

Pour l’opinion commune, la question de l’existence de Dieu relèverait de la foi : il serait impossible de démontrer l’existence ou l’inexistence de ce que Michel Bakounine nommait le fantôme divin. Par conséquent, la raison devrait laisser place à la croyance. Or, affirmer cela reviendrait à mettre sur le même plan l’affirmation délirante selon laquelle un pur esprit serait à l’origine du monde et les données de l’expérience. En renvoyant dos à dos la croyance et l’incroyance, on légitime la première.

Il est pourtant possible de démontrer l’inanité de l’illusion religieuse en faisant appel à un usage critique de la Raison. C’est ce à quoi s’attache Sébastien Faure (1858-1942) dans ses Douze preuves de l’inexistence de Dieu.

Dans les Méditations Métaphysiques, publiées en1647, Descartes avait fourni trois preuves de l’existence de Dieu. Ces prétendues preuves, absconses et alambiquées sont loin d’être convaincantes. Au contraire, les douze arguments fournis par Sébastien Faure sont d’une efficacité redoutable. Faure s’attaque au dieu des religions monothéistes pour mettre en évidence l’absurdité fondamentale de ce concept.

Ses arguments forment trois groupes.

Le premier groupe vise l’idée d’un Dieu créateur et comporte six arguments :

1 La création est impossible : on ne peut pas tirer quelque chose de rien.

2 L’esprit ne peut créer l’univers : même si l’on admet l’idée de création et l’hypothèse d’un esprit indépendant de la matière, il existe une différence de nature entre l’esprit et la matière. L’un ne peut produire l’autre.

3 Un être parfait ( Dieu) ne peut produire une œuvre imparfaite ( l’univers)

4 Un être éternel, actif, nécessaire ne peut avoir avoir été inactif ou inutile. Or, c’est ce qu’il faut admettre si l’on considère que Dieu a existé avant de créer.

5 Un être immuable ne peut avoir créé. Si Dieu a créé, il a changé deux fois : avant/après avoir voulu créer, avant/après avoir créé. L’idée de création est donc incompatible avec celle d’un Dieu immuable.

6 Dieu ne peut avoir créé sans motif. Si Dieu est un être parfait, il ne connaît aucun manque et n’avait aucune raison de créer. S’il a créé, c’est donc un acte sans motif, déraisonnable. La création serait donc un acte de démence.

Le second groupe s’attaque à l’idée de providence ou de Dieu gouverneur et comprend quatre arguments :

1 Le gouverneur nie le créateur : si le Dieu créateur est parfait, nul besoin d’un Dieu pour gouverner l’œuvre. Si ce gouverneur existe, cela atteste de l’impuissance du Dieu créateur. Donc, le gouverneur nie le créateur.

2 La multiplicité des dieux atteste qu’il n’en existe aucun. S’il existe un Dieu gouverneur, il doit être infiniment puissant et juste. Or la multiplicité des religions prouve d’une part que Dieu n’est pas infiniment puissant (il n’a pu s’adresser qu’à quelques hommes au lieu de s’adresser à tous) et d’autre part qu’il n’est pas juste ( il se révèle aux uns pour se cacher aux autres). Donc , s’il n’est ni puissant ni juste, c’est qu’il n’existe pas.

3 L’existence de l’enfer montre que Dieu n’est pas infiniment bon. Le tourment des damnés ne profite ni aux élus (trop vertueux pour se réjouir du malheur des autres) ni aux damnés (condamnés pour toujours, sans espoir de rachat). Ce tourment ne peut profiter qu’à un Dieu sadique, ce qui est en contradiction avec sa prétendue bonté.

4 L’existence du Mal physique et moral est incompatible avec celle d’un Dieu infiniment puissant et infiniment bon.

Le troisième groupe s’attache au Dieu Justicier ou Magistrat et comporte deux arguments :

1 Si Dieu a créé l’homme, il l’a créé selon sa volonté. Donc, l’homme n’est pas responsable de ce qu’il est : il n’est que ce que Dieu a voulu qu’il soit. Par conséquent, il ne peut être ni récompensé, ni châtié. En s’arrogeant le droit de le punir, Dieu agit de façon injuste et arbitraire.

2 Même si l’on admet que l’homme est responsable de ses actes, force est de constater que Dieu viole les règles les plus élémentaires de l’équité. En effet, l’équité consiste à établir une stricte proportionnalité entre l’acte et la récompense ou le châtiment qui lui correspondent. Or, la responsabilité de l’homme étant limitée, ses mérites et ses fautes le sont aussi. Dieu est injuste en le récompensant ou en le châtiant de façon disproportionnée (enfer ou paradis perpétuels)

Sébastien Faure conclut :

« Débarrasse-toi de ce tyran imaginaire et secoue le joug de ceux qui se prétendent ses chargés d’affaires ici-bas. Mais souviens-toi que ce premier geste de libération accompli, tu n’auras rempli qu’une partie de la tâche qui t’incombe. N’oublie pas qu’il ne te servirait de rien de briser les chaînes que les Dieux imaginaires, célestes et éternels, ont forgées contre toi, si tu ne brisais aussi celles qu’ont forgées contre toi les Dieux passagers et positifs de la terre. Ces Dieux rôdent autour de toi, cherchant à t’affamer et à t’asservir. Ces Dieux ne sont que des hommes comme toi. Riches et Gouvernants, ces Dieux de la terre ont peuplé celle-ci d’innombrables victimes, d’inexprimables tourments. Puissent les damnés de la terre se révolter enfin contre ces scélérats et fonder une Cité où ces monstres seront, à tout jamais, rendus impossibles !

Quand tu auras chassé les Dieux du ciel et de la terre, quand tu te seras débarrassé des Maîtres d’en haut et des Maîtres d’en bas, quand tu auras accompli ce double geste de délivrance, alors, mais seulement alors, ô mon frère, tu t’évaderas de ton enfer et tu réaliseras ton ciel ! »