Le Capitalocène plutôt que l’Anthropocène !
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Nous publions ici un des derniers articles de notre camarade Bernard qui nous a quittés le 6 mai.
Depuis trop longtemps la démographie humaine est présentée comme le facteur principal de la crise écologique avec son cortège de routes, de plantations, de chemins de fer, de pesticides, de mines, de pipelines, de forages, de barrages, de centrales électriques et autres déchets plastiques.
Pourtant depuis trois siècles l’accumulation de capital a été multipliée par 134 alors que la démographie humaine n’a augmenté que de dix fois.
Alors, est-ce vraiment l’espèce humaine de manière indifférenciée qui est responsable du dérèglement climatique ?
Une nouvelle génération d’historien.nes nous interpelle en montrant que ce n’est pas avec « l’âge de l’Homme » mais avec l’émergence de « l’âge du capital » que la concentration en gaz à effet de serre est sortie de la fourchette des valeurs entre lesquelles elle est restée cantonnée pendant les 10 000 ans de l’Holocène*. C’est bien l’entrée dans le capitalisme fossile qui a bouleversé le cycle biogéochimique du carbone.
Quel récit faire de cette histoire conjointe du capitalisme et du système Terre ? Comment rendre compte de ce coup d’état géologique du capitalisme sur la trajectoire historique de notre planète ?
Le capitalisme a émergé en Angleterre dès le XVème siècle, avec la privatisation des terres communales au profit de l’aristocratie. Cette expropriation est connue sous le nom des enclosures. Les paysans sans terre émigrent alors vers les villes à la recherche d’emplois qu’ils trouveront dans l’industrie textile naissante alimentée par la laine vendue par les grands propriétaires terriens qui les ont spoliés. C’est bien ce rapport social de production, le capitalisme, qui se met progressivement en place : vendre sa laine au meilleur prix, vendre sa force de travail, vendre des produits finis sur le marché londonien. Un cycle est alors enclenché et le capitalisme va, au fil des siècles, s’étendre à toute la planète.
La machine à vapeur de Watt est inventée en 1784 mais n’aura un réel développement qu’à partir de 1825 en Angleterre. Jusque-là l’énergie hydraulique faisait très bien l’affaire et était moins coûteuse. Crise de surproduction et un développement des luttes sociales ont justifié l’usage de la machine à vapeur car elle facilitait le déplacement d’une main d’œuvre abondante et bon marché vers les villes. Cela permettait aussi de se déconnecter des cycles de l’eau trop dépendants des saisons et des travailleuses et travailleurs locaux trop exigeants en salaire. De plus cela donnait au patronat la maîtrise du temps et la classe ouvrière dut se soumettre aux cadences imposées par la machine. L’industrie du charbon connut un développement sans précédent pour répondre aux besoins des machines, des locomotives et des bateaux nécessaires à l’expansion des marchés.
Pour mieux comprendre ces processus d’accumulation capitaliste et ses conséquences écologiques, nous vous conseillons la lecture du livre d’Armel Campagne, Le capitalocène aux éditions Divergences. Il fourmille d’informations et d’arguments nous rappelant l’urgence de sortir du capitalisme, principal responsable de la destruction des écosystèmes.
*L’Holocène est une époque géologique s’étendant sur les 10 000 dernières années.