La surveillance des anarchistes (suite)

jeudi 17 janvier 2019
par  Gia

Dans les trois derniers numéros de l’Éclat, nous avions dressé le portrait de quelques trimardeurs catalogués comme anarchistes et traqués par la police. La liste est longue. Parcourons-la. On y voit des personnages, souvent marginaux, dont certains sont soupçonnés à tort d’appartenir au mouvement anarchiste. Parfois, ils s’en défendent. Par stratégie ? Sincèrement ? Rien ne permet de le savoir. Certains, activement recherchés, sont introuvables ou disparaissent sans laisser de traces. Il arrive aussi que d’autres se disent anarchistes par bravade, s’exposant au fichage par pure fanfaronnade.

Aubert, dit le Bourguignon est signalé le 2 avril 1887 dans une lettre adressée par le ministère de l’intérieur au préfet de l’Ain demandant que l’on recherche activement ce dangereux anarchiste. Il serait originaire de l’Ain et aurait entre 28 et 30 ans. Il serait grand, de forte corpulence, aux cheveux châtain foncé. Il porterait de longues moustaches dans un visage plein éclairé par des yeux vifs. Il reste introuvable.

Baffone Isidore, dit Alvarez est né à Suez (Égypte) le 31 juillet 1868. En réalité, son véritable nom serait Marius Bernard. La fiche de police en donne un signalement précis : 1m78, cheveux bruns qu’il porte assez longs sur le front pour masquer une petite calvitie au sommet du crâne, yeux marron, front fuyant, nez rectiligne et horizontal, bouche grande, menton large, visage plein, teint brun ; il louche de l’œil droit. Sa mère vit à la Ciotat. On le signale en 1907 et 1908 à Ambérieu, Saint-Rambert, Tenay, Rossillon, Saint-André-de-Corcy, Miribel et Meximieux. Il a été condamné en 1908 à 4 mois de prison pour outrage à magistrat par écrit. Détenu à Trévoux, il sera libéré le 23 février 1908. Il se dit employé de commune, mais circule en vendant du papier à lettres et des chansons ; il chante aussi dans les rues pour gagner son pain.

Bili Georges Désiré Louis Victor est né à Paris le 9 octobre 1862. Il exerce la profession d’ajusteur. On le signale dans l’Ain en septembre 1904 alors qu’il se dirige vers Saint-Claude en venant d’Annemasse. Il traverse Bellegarde, Châtillon-en-Michaille, Nantua et Oyonnax, où il demande secours et asile en mairie. Le 23 juillet 1907, il est embauché comme ouvrier chez Tarpin, mécanicien ajusteur à Nantua. Il se plaint du titre d’anarchiste qu’on lui impute et qui fait que les patrons ne veulent pas l’embaucher. Pourtant, interrogé par les gendarmes d’Izernore le 7 août 1907, il dit ouvertement être anarchiste et sait qu’il est surveillé en tant que tel.

Bouchayer Marie, dite la Ravachole est recherchée en vain dans le département alors qu’on a perdu sa trace à Grenoble en avril 1903. On la soupçonne de s’être réfugiée chez sa fille à Neyron. Elle est probablement née en 1868 et exerce le métier de tisseuse mais exerce parfois comme marchande de légumes. La fiche signalétique est précise : taille au-dessous de la moyenne, cheveux et sourcils bruns, front ordinaire, yeux bruns, nez droit, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint coloré. Après de vaines recherches dans le département, on la retrouve à Saint-Étienne.

Fayot Joseph avait environ 25 ans en 1894. Il serait originaire du Nord et on le signale le 19 juillet 1894 à Gex alors qu’il prétend se rendre à Troyes à pied. Il est fabriquant de pantoufles mais travaille quelques jours comme journalier agricole à Chevry. Il lit les journaux, se dit socialiste et affirme qu’il ne faut plus de patrons ni de bourgeois. Il fait l’apologie de l’assassinat de Carnot, déclarant : « ça ne me ferait rien d’être à la place de Caserio, de monter sur l’échafaud . »

Fouquet Anne Joséphine est née en 1881. Elle est signalée par la gendarmerie de Trévoux en septembre 1897 alors qu’elle n’a que 16 ans. Elle est lingère mais participe aussi aux vendanges. Très réservée en présence de sa mère qui réside à Lyon, elle se dit anarchiste en son absence. Elle est volage et aime folâtrer, mais personne ne la prend au sérieux, pas même la police.

Pautet François est décrit comme dangereux. Probablement né en 1864, il a été condamné en 1883 par le tribunal de Lyon pour affiliation à une association révolutionnaire internationale. Libéré de Clairvaux le 19 janvier 1885, il a résidé à Genève jusqu’au 19 août de la même année. On pense qu’il s’est rendu dans l’Ain pour y trouver du travail. Sa femme pense qu’il se trouve à Bourg-en-Bresse, mais refuse de donner plus de renseignements. Depuis son départ de Genève, il reste introuvable.

Schaeffli (ou Schaffli) Jean est né le 8 mars 1839 à Berne. Il exerce le métier de cordonnier à Ferney-Voltaire. La police le soupçonne d’envoyer dans l’empire austro-hongrois des brochures anarchistes éditées en Allemagne. Après enquête (lettres de la police de Bourg-en-Bresse au ministère du 30 janvier 1888 et de la gendarmerie de Ferney du 29 janvier 1888), il s’avère que Schaeffli est presque illettré, peu intelligent et sort très rarement. Il professe le protestantisme et on suppose qu’il a servi de prête-nom sans le savoir.