La manifestation du 8 décembre à Bourg-en-Bresse
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Hésitant·es, on s’est motivé·es pour rejoindre les gilets jaunes samedi 8 décembre à Bourg-en-Bresse. Nous sommes arrivé·es au carrefour de l’Europe peu avant 14h00. Quelques centaines de personnes (tous âges, des deux sexes) la plupart arborant la chasuble, pour certains avec des inscriptions dont un « on est chez nous » qui fait peur, presque pas de banderoles. Quelques A cerclés avec ou sans gilet que nous ne connaissons pas, quelques personnes habituées des mouvements sociaux.
Ça fait un peu mal aux yeux et aux oreilles : le jaune leur sied à ravir, mais le bleu blanc rouge des drapeaux nous est agressif et la Marseillaise chantée avec entrain nous met très mal à l’aise. Nous entendons des blagues un peu grasses, ça encule facilement Macron et ça n’hésite pas à sortir quelques bons clichés machos sur Brigitte. Les militants du NPA sont pris à partie lorsqu’ils arrivent avec leurs tracts (sans drapeau, ni banderoles) : « on ne fait pas de politique ». Aucun chef, porte parole ou autre ne se met en avant. Vraisemblablement des contrôles ont eu lieu en amont (sur les routes d’accès à Bourg-en-Bresse et sur les parkings aux abords de la manif).
Dès le départ de la manifestation, le cortège se scinde en deux, trois, puis quatre, se regroupe, se re-sépare… occupant ainsi l’espace de manière impressionnante et donnant l’image plutôt sympathique d’une foule spontanée ne suivant pas des organisateurs. Pas de slogans hormis « Macron démission ».
Vers 15h00, le cortège se reforme devant la préfecture à l’intérieur de laquelle (et sur le toit) sont massés une cinquantaine de CRS qui très rapidement après quelques légères « bravades » peu agressives de quelques manifestants (doigts aux policiers, deux ou trois bouteilles plastiques balancées et, outrage suprême, un gars est allé se coller aux grilles) balancent eau et lacrymogènes sans compter. Sous le feu policier, on parle plus facilement qu’au départ, mais essentiellement autour des violences, un peu aussi d’une mauvaise répartition des richesses et de ce satané 80km/h (dont nous n’avons rien à foutre) mais sans perspective politique construite. Nous n’avons même pas particulièrement entendu les revendications retransmises par les médias (ISF, SMIC, etc.). Difficile d’élargir les discussions (nous ne sommes pas forcément les meilleur·es pour ça). Les personnes présentes semblent heureuses et fières de participer à ce « mouvement ».
Une tentative de décision collective pour la suite, sans mégaphone, sans que tout le monde n’ait vu ou su… et à nouveau plusieurs cortèges hésitants : rester à la préfecture ? Aller à la mairie, au centre des impôts ou des finances publiques ? Déambuler ? Aller à Carrefour ? Quelques personnes sont un peu plus « joueuses » avec les forces de l’ordre, cela suscite les traditionnels débats.
Ceux naviguant entre la préfecture et le centre ville (dont nous faisons partie) se retrouvent partout face à un cordon de CRS, ça gaze à tout va, ça met en joue au flashball, à l’occasion ça charge à coup de tonfa, et celui qui a réagi le moins vite se fait attraper. On n’a pas vu de tir, mais le Progrès fait état de deux blessés par flashball.
Vraisemblablement pas d’organisation anti-répression… Ce petit jeu dure l’après-midi, et la population en jaune évolue, se rajeunit. Quelques rares slogans « police nationale, police du capital » sont lancés sans énorme succès.
Vers 19H00 les CRS dispersent les rangs un peu clairsemés à coup de matraques et lacrymogènes un peu plus appuyés. En rentrant nous croisons un mini cortège en jaune sur la remorque d’un tracteur qui bloque un instant le trafic et se sépare en se donnant rendez vous samedi prochain. Nous rentrons aussi perplexes que nous sommes arrivés : ce « mouvement » nous est difficile à appréhender : des symboles repoussants aux relents d’extrême-droite, un rejet du politique et des syndicats que l’on peut comprendre soit comme la volonté légitime de se passer du système de représentation actuel soit comme le « ni droite ni gauche » du RN, des cibles et des pratiques sympathiques (mais que l’extrême droite a su récemment adopter comme lors de l’ouverture d’un squat par le bastion social), une belle révolte déterminée (mais vers quoi ?), un profil des personnes présentes qui évolue en cours de journée… Une certitude : une violence policière démesurée, 7 manifestants blessés et une trentaine d’interpellations selon le Progrès.