L’Eclat numéro 21

Décembre 2018
mardi 22 janvier 2019
par  Gia

Il n’existe pas de bon patriotisme

La commémoration du centenaire de l’armistice de 1918 a été l’occasion d’un déferlement de manifestations patriotiques. Les milliers de morts victimes de ce carnage ont été célébrés comme d’ardents défenseurs de la patrie. Peu de voix se sont élevées pour rappeler qu’ils ont été sacrifiés à l’autel du capitalisme qui envoyait les prolétaires s’entre-tuer pour sauvegarder son taux de profit.

Macron, paltoquet en chef, s’est fendu de discours ronflants exaltant le patriotisme, qui serait « l’exact contraire du nationalisme. » Le freluquet poursuivait d’un ton pontifiant : « le nationalisme en est la trahison. » Il y aurait ainsi un bon patriotisme, caractérisé par l’amour de la patrie et le désir de se sacrifier pour elle et un mauvais nationalisme qui ouvrirait la porte à la xénophobie, au racisme, à l’exclusion de l’autre.
Or cette opposition artificielle ne vise qu’à masquer la profonde similitude qui unit ces deux concepts. Le patriotisme se caractérise par un attachement viscéral à un territoire et à des coutumes. Il exalte l’idée d’une identité nationale qui unirait dans un même élan exploiteurs et exploités, dominants et dominés. Il conduit nécessairement à rejeter l’autre comme l’ennemi commun qui permet d’occulter toutes les fractures qui traversent une société : tous unis contre les autres. « C’est un attachement instinctif, machinal et complètement dénué de critique pour des habitudes d’existence collectivement prises et héréditaires ou traditionnelles, et une hostilité tout aussi instinctive et machinale contre toute autre manière de vivre. C’est l’amour des siens et du sien et la haine de tout ce qui porte un caractère étranger. Le patriotisme, c’est donc un égoïsme collectif d’un côté et la guerre de l’autre (...) Le patriotisme que les poètes, les politiciens de toutes les écoles, les gouvernements et toutes les classes privilégiées nous vantent comme une vertu idéale et sublime, prend ses racines non dans l’humanité de l’homme, mais dans sa bestialité. (…) D’où il résulte que le patriotisme naturel est en raison inverse de la civilisation, c’est-à-dire du triomphe même de l’humanité dans les sociétés humaines. » (Michel Bakounine : Lettres sur le patriotisme).

La contagion patriotique

L’épidémie patriotique a définitivement atteint la presque totalité des partis politiques : des fachos à la France Insoumise. Les rencontres sportives, la victoire de l’équipe de France lors du Mondial, les rassemblements de gilets jaunes, la moindre manifestation publique sont prétextes à l’agitation de drapeaux tricolores et à l’éructation de Marseillaises truffées de fausses notes. Dès lors, il n’est pas étonnant que cette contamination patriotique s’accompagne d’une militarisation croissante de la société.

Une militarisation de la société

L’état d’urgence et le plan vigipirate nous ont habitué·es à voir l’armée partout. Elle fait désormais partie du paysage. Mais ce n’était pas encore suffisant. Le pouvoir cherche à dresser les citoyen·nes en leur insufflant le nationalisme dès la maternelle. Les enfants doivent téter du bleu-blanc-rouge aux mamelles de Marianne dès leur plus jeune âge. C’est ce à quoi s’évertue le ministre Blanquer, un des plus réactionnaires qui ait sévi dans l’Éducation Nationale, et de la manière la plus grossière. C’est ainsi que, le 21 novembre, il a nommé une militaire cheffe de service de l’instruction publique et de l’action pédagogique à la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Avant cela, un chef d’escadron de gendarmerie avait été nommé proviseur-adjoint chargé de la sécurité en Seine-Saint-Denis. Pour couronner le tout, plusieurs rectorats (dont celui de Lyon) lancent une opération intitulée « un dessin pour les Sentinelles ». Elle engage les enfants des écoles à envoyer des dessins aux militaires de l’opération sentinelle qui devront passer les fêtes de fin d’année loin de leurs familles. Le message adressé aux directeurs d’école souligne : « au-delà du geste de solidarité exprimé par vos élèves, cette opération contribuera de façon pédagogique à sensibiliser la Nation aux missions dans lesquelles la France est engagée. » L’école s’affiche ainsi ouvertement comme un instrument de dressage idéologique.

Vive l’antipatriotisme

Pour contrecarrer cette vague militaro-nationaliste, il est nécessaire de réaffirmer à toute occasion notre antipatriotisme. Les ligues antipatriotiques du XIXème siècle partaient du principe selon lequel les prolétaires n’ont pas de patrie. Il est urgent, en ces temps de délire national, de faire revivre l’internationalisme.


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PDF - 2.6 Mo
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