Démographie et production agricole

mardi 8 mai 2018
par  Bernard

Nous publions ici un des derniers articles de notre camarade Bernard qui nous a quittés le 6 mai.

La peur démographique masque d’autres problèmes !

Dans un manifeste publié en novembre 2017, 15 000 scientifiques internationaux appellent l’humanité à la limitation des naissances car de 7,5 milliards d’individus en 2017 nous pourrions être 10 milliards en 2050 !

Mais est-ce vraiment la solution pour réduire la misère ? Faut-il réhabiliter le malthusianisme ?

Le biologiste Gilles Bœuf et le démographe Hervé Le Bras contestent cette approche et argumentent.

Pour ce qui concerne la population humaine nous constatons que les situations sont différentes selon les pays. Les Iraniennes ont 1,7 enfant pour 7,5 au Niger, pays du monde avec la plus forte natalité. Or le Niger, est incapable de faire face à cette situation sans aide internationale qui permette l’éducation et l’autonomie des femmes. Elles doivent poursuivre leurs études après le primaire et accéder au planning familial car cette scolarisation les protégerait des mariages précoces. Cela demande une volonté politique, des moyens et du temps. Qui le veut vraiment ?

Les pays du nord montrent du doigt les pays pauvres alors qu’il leur faudrait remettre en cause leur propre mode de vie et de consommation. En terme de production agricole, nous sommes capables de nourrir 10 milliards d’individus. Le problème est celui de la distribution et du gaspillage alimentaire. Mais améliorer la répartition de la nourriture nécessite de mettre en place toute une autre organisation en commençant par respecter les coûts de production agricole. Énorme tâche mais tout à fait possible.
Autre problème plus grave, celui de l’augmentation fulgurante de la consommation mondiale de viande. La moitié de la production actuelle de céréales est destinée aux animaux domestiques. Or pour produire une calorie de viande ou de lait il faut en donner à un poulet et dix à une vache !

Des solutions existent en appliquant quelques principes simples : ne pas gaspiller l’eau, arrêter les pesticides, diminuer les engrais, développer l’emploi ailleurs que dans les métropoles, miser sur la polyculture et cesser d’augmenter les surfaces agricoles au niveau mondial. Si nous créons un gigantesque agrosystème sans zone humide ni forêt tropicale, avec des ressources naturelles mises en coupes réglées, on court à la catastrophe. Il faut préserver la biodiversité et pas simplement pour les plantes cultivées.

Le changement climatique touche de plein fouet les régions intertropicales. L’assèchement du lac Tchad, principale source d’eau potable est une catastrophe sociale gigantesque pour les quatre pays qui en dépendent : le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Nigeria. Il faut arrêter la déforestation, cause première de nombreux problèmes dans plusieurs régions du monde. La forêt garantit la pluie, par évapotranspiration, sans laquelle il ne peut pas y avoir d’agriculture. Faute de quoi les populations sont contraintes à migrer vers les villes où elles ne trouvent pas de travail.
Un autre phénomène complique encore les choses : la guerre. Les pays d’Asie qui ont la plus forte natalité sont l’Afghanistan (5,3 enfants par femme), suivi de l’Irak (4,6), du Yémen (4,4), de la Palestine (4,3) et du Pakistan (3,7). Idem pour l’Afrique, au Niger, en Somalie, au Mali, en république Démocratique du Congo, au Tchad…
Comment initier une politique de régulation des naissances dans des pays en guerre ? C’est un cercle vicieux car une croissance démographique trop rapide est un facteur de déstabilisation propice aux conflits.

Il y a une étroite relation entre l’écologie et la géopolitique. La guerre en Syrie intervient en 2011, après les douze pires années de sécheresse du Croissant fertile depuis trois siècles. Ce n’est pas une coïncidence.
Trop souvent la question démographique sert d’excuse ou de masque à d’autres problèmes. On brandit la menace de 10 milliards d’êtres humains, mais ce qui importe pour un avenir meilleur, c’est de savoir qui émet le plus de pollution, de contrôler ce phénomène et de parvenir à une meilleure distribution des ressources.

L’homme peut-il accepter ses limites ? de Gilles Bœuf –éditions Quae
Vie et mort de la population mondiale d’Hervé Le Bras – éditions Le Pommier