Anarchives de l’Ain. Séraphine Pajaud : une conférencière anarchiste.
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Séraphine Pajaud est née en 1858 en Charente Maritime. On ne connaît pas la date exacte de sa mort mais on sait qu’elle vivait encore en 1934 car le journaliste anarchiste André Lorulot l’avait rencontrée cette année-là à La Rochelle.
Dès 1898, elle sillonne toute la France, le plus souvent à pied, pour donner des conférences. Un rapport de police signé du Maréchal des Logis Ferretier signale son passage à Tenay, où elle séjourne le 29 avril 1900, après avoir donné une conférence à Chaley. De là, elle se rend à Bourg en Bresse pour animer une conférence publique Salle Carriat le 2 mai 1900. Un rapport du commissaire de police de Bourg, adressé au préfet, précise que 500 personnes, dont une cinquantaine de femmes, assistait à cette réunion. Un indicateur devait être présent dans la salle car le rapport de police donne des informations très détaillées sur cette conférence. Séraphine Pajaud « dans un langage tantôt de révolte, tantôt ironique genre quartier excentrique de Paris, tantôt de blasphème contre la société actuelle, a entretenu son auditoire pendant une heure et demie environ, fréquemment applaudie par les socialistes présents ».
Sa conférence commence par « la négation de l’existence de Dieu, de la création de l’homme par Dieu ». Elle poursuit en s’attaquant au clergé, à l’armée « qui ne doit exister », à la magistrature, à la famille « qui a tort de s’attacher aux anciennes croyances de nos ancêtres », au capital, aux exploiteurs « qui vivent de la sueur des malheureux ». Elle poursuit en évoquant la Commune de Paris écrasée dans le sang. La dernière partie de son discours expose les théories anarchistes et envisage les moyens à employer pour aboutir à une révolution sociale. Le rapport précise que « la plupart des femmes présentes ont été gênées de l’insolence et de la désinvolture de la conférencière ». Avant d’achever sa conférence, Séraphine Pajaud interpelle l’auditoire en demandant que des contradicteurs viennent à la tribune « pour défendre leur Dieu qu’elle venait de battre en brèche et que s’ils ne venaient pas elle aurait le droit de les traiter de lâches ». Personne n’ayant osé se mesurer à elle, Séraphine Pajaud conclut la séance au cri de « Vive la Révolution Sociale ! ».
Selon le commissaire de Bourg, « beaucoup de personnes sont allées à la réunion pour entendre cette femme parce que c’était la première fois qu’une femme a pris la parole dans une réunion publique à Bourg ».
Le 27 mai 1900, un rapport du commissaire spécial de la gare de Bellegarde adressé à la préfecture de l’Ain, au sous-préfet de Nantua et à la direction de la sûreté générale à Paris, mentionne une autre conférence donnée la veille au Casino de Bellegarde. 150 personnes environ y assistent, dont une quinzaine de femmes. Le rapport est un peu moins détaillé que celui du commissaire de Bourg, mais donne une idée assez précise du contenu de la réunion. Les thèmes abordés par Séraphine Pajaud sont invariables et suivent le même plan : « la conférencière commence par tourner en ridicule l’enseignement religieux, dit qu’un Dieu selon la Bible serait un infâme et un grand criminel, attaque vivement le clergé. S’efforce de prouver que tout ce qui existe est le résultat de transformations successives et progressives ». Ensuite, elle s’attaque à la propriété, à l’exploitation, à l’armée et au drapeau « qui n’est pas l’emblème de la patrie et de l’honneur, mais traîne à sa suite les massacres et les brigandages ». Elle demande aux mères de famille « si l’idée de patrie pourra effacer la douleur que leur causera la mort de leurs enfants tombés la poitrine percée d’une balle et si elles se consoleront jamais lorsque leurs fils tireront sur leurs pères et leurs frères comme à Fourmies et à Carmaux ». Elle « attaque spécialement les antisémites ». Le rapport s’achève en précisant que la conférencière a été souvent applaudie.
Sources : Archives départementales de l’Ain 4 M 81
Pour en savoir plus sur Séraphine Pajaud :
http://militants-anarchistes.info/spip.php?article4393
Le Maitron : Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier