Anarchives de l’Ain Sébastien Faure

jeudi 22 décembre 2016
par  Rep

Sous la rubrique Anarchives de l’Ain, L’Éclat publie depuis son n°3 des documents d’archives inédits relatifs à l’histoire de l’anarchisme dans le département de l’Ain. Tout comme les Archives nationales, les Archives départementales de Bourg-en-Bresse conservent en effet des milliers de pièces manuscrites intéressant cette question, auxquelles la CLA a pu avoir accès.

Sources : Archives départementales de l’Ain (ADA) — M 934/12. Anarchistes. Dossiers individuels et divers (1894-1914). M 1343. Listes d’anarchistes. Antimilitaristes. Camelots du Roi, etc. (1903-1923).

Il faut le dire, je ne connaissais pas vraiment Sébastien Faure. (1856-1942). Une visite aux Archives Départementales de l’Ain m’a permis de le découvrir.

Sébastien Faure, né à Saint-Etienne (Loire), est issu de la bourgeoisie cléricale de province. Il se destinait à rentrer dans les ordres. Mais certains événements vont lui faire renier sa foi. Il rejoint alors le socialisme, plus précisément le guesdisme qui, rappelons-le, s’inscrivant dans la lutte des classes n’est ni réformiste, ni pour la révolution immédiate.

Dans les années 1887-1888, sous l’influence de Kropotkine et d’Elisée Reclus, il se tourne vers les idées libertaires. Il devient l’un des plus grands orateurs libertaires de la fin du 19 ème siècle. Il parcourt la France en tous sens, donnant des conférences avec des titres évocateurs : Douze preuves de l’inexistence de Dieu, La pourriture parlementaire, Ni commander, ni obéir.

À partir des années 1890, il va participer à la fondation de différents journaux libertaires, comme en 1895 avec l’hebdomadaire Le Libertaire, dont les co-fondateurs sont Constant Martin et Louise Michel.

L’année suivante, en juin, le ministre de l’Intérieur Louis Barthou du gouvernement Jules Méline, envoie une circulaire à tous les préfets départementaux : « L’anarchiste Sébastien Faure ayant entrepris une tournée de conférences dans les départements, j’attacherais beaucoup d’intérêt à savoir si dans ses discours, il tient des propos tombant sous le coup des lois pénales. En conséquence, toutes les fois qu’il organisera une réunion publique dans votre département, je vous recommande de déléguer pour y assister le fonctionnaire qui vous paraîtra le plus apte à rendre compte d’une manière précise des paroles prononcées par l’orateur (…). D’autre part, si les conférences de Sébastien Faure sont l’occasion de désordres, il faudra veiller au maintien de l’ordre avec les forces nécessaires (…) ». Dès cet instant, il sera surveillé ; mais les rapports de police nous laisseront des témoignages assez précis de ces thèmes de conférence.

Au moment de l’Affaire Dreyfus, en 1898, il rédige un J’accuse plus violent que celui de Zola et convainc les libertaires de prendre position sur l’Affaire.

En 1901, il fonde à Lyon « Le Quotidien ». C’est à cette époque que Sébastien Faure parcourt le département de l’Ain, donnant des conférences à Bourg-en-Bresse, à Nantua, à Tenay, à Oyonnax et à Genève.

Le 29 novembre 1900, il donne une conférence à Oyonnax, avec le président du Comité Socialiste Révolutionnaire de Saint Claude (Jura), à la salle du Tivoli, devant 300 personnes sur le thème « L’idée de Dieu, son origine, son développement, sa disparition ».

Le commissaire spécial, Casanova, qui assiste à la conférence, en fait un rapport très détaillé au préfet de l’Ain. Il raconte, avec force détails, comme le ministre de l’Intérieur le demandait, le discours de Sébastien Faure dont voici quelques extraits : « (…) Avec la religion apparaissent les castes dirigeantes, l’autel et le glaive se réunissant pour s’imposer aux masses et les asservir. Le monothéisme remplace le paganisme jusqu’au jour où Jésus Christ champion des opprimés vient répandre des idées nouvelles, effrayant la bourgeoisie et la noblesse de l’époque, qui le font disparaître. (…) L’humanité doit être rendue bonne, c’est par l’éducation qu’on peut y arriver, mais cette éducation il faut l’enlever au clergé qui n’apprend que mensonge, fausseté, cupidité. » Le commissaire spécial note les nombreux applaudissements et tout se finit avec l’Internationale et la Carmagnole.

Le 1er décembre 1900, Sébastien Faure se rend à Tenay, salle Berthier, où il doit faire une conférence sur « L’idée de Dieu ». Il est accueilli par des coups de sifflets. 1500 personnes lui lancent des pierres et des pommes de terre. Presque toute la population est contre Sébastien Faure, le critiquant de les avoir poussés à faire la grève au mois d’août 1899, avec peu de résultats. Il s’ensuit une bagarre et un procès a lieu le 9 mars 1901. On apprend, tant par le « Journal de l’Ain » que par l’« Éclaireur Socialiste » que tout ce chahut avait été organisé par des employés de la société de Schappe. Un ami de Sébastien Faure avait été prévenu puis rapidement innocenté. Les employés de la Schappe étaient défendus par un certain Brillat-Savarin qui, dans sa plaidoirie, a condamné les actions de grèves qui n’apportent que la misère.