Anarchives de l’Ain — 2. De 1901 à 1914

Octobre 2012
vendredi 13 février 2015
par  Octave Lechauve

Sous la rubrique Anarchives de l’Ain, L’Éclat publie de- 1882. puis son n°3 des documents d’archives inédits relatifs à l’histoire de l’anarchisme dans le département de l’Ain.
Sources : Archives départementales de l’Ain (ADA) — 1343. Listes d’anarchistes. Anti-militaristes. Camelots du Roi, etc. (1903-1923).

Les anarchistes dans l’Ain en 1911.

Le 15 novembre 1911, le ministre de l’Intérieur, qui n’est autre que le Président du conseil, Joseph Caillaux (1863-1944), alors Chef du Parti radical, adresse à tous les Préfets une circulaire visant à établir trois listes des « anarchistes, antimilitaristes et camelots du roi » séjournant sur le territoire français. Le 21 novembre, le Préfet enjoint les Sous-préfets de Belley, de Gex, Nantua et de Trévoux, ainsi que le Commissaire spécial de Bourg, d’établir ces listes pour leurs arrondissements respectifs. Ceux-ci s’exécutent avec une telle diligence qu’on peut se demander si la moindre enquête préliminaire a été diligentée.

Dès le 14 décembre suivant, le Sous-préfet de Trévoux affirme : « Il n’existe pas actuellement d’anarchistes, ni d’antimilitaristes dans l’arrondissement de Trévoux » ; le 16, c’est le tour du Sous-préfet de Gex : « En réponse à votre lettre confidentielle du 21 novembre dernier, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il n’existe dans
l’arrondissement de Gex aucun individu professant des idées anarchistes » ; le 20, c’est à celui de Belley : « Il n’existe pas (à ma connaissance) dans l’arrondissement de Belley d’anarchistes » ; le 22, le Commissaire spécial de Bourg fait parvenir au Préfet sa « Liste des anarchistes de l’arrondissement de Bourg », sur laquelle apparaît en grandes lettres calligraphiées : « Néant » ; et le même jour, le Sous-préfet
de Nantua, qui fait ainsi figure de mauvais élève, avoue que, dans son arrondissement, il y en a un.
Un anarchiste oublié : Gonnand fils.

Le sous-préfet de Belley n’a pas cru bon de signaler que son arrondissement avait lui aussi son anarchiste : Joseph-François-Émile Gonnand, né à Ambérieu en 1882. Il est vrai qu’aux yeux de ses concitoyens, celui-ci passait pour un simple déséquilibré. En 1905, à l’âge de 23 ans, ce garçon, qui n’a pas obtenu le poste de convoyeur des postes qu’il convoitait, déclare la guerre à l’État. Il se cloître alors chez ses parents, dans « une bicoque qu’il a baptisée Villa d’Autriche : il n’y « fait rien et est à leur charge ». À la tombée de la nuit, il sort placarder sur les murs de la Grenette et de la mairie d’Ambérieu de grandes affiches bleues sur lesquelles il a recopié durant le jour les passages les plus violents du journal socialiste d’Oyonnax
(L’Éclaireur) — ceux qui conspuent le patronat et surtout l’État. Ennemi de la lutte clandestine, il colle, sur chaque affiche, l’étiquette suivante : « GONNAND fils, propriétaire de la Villa d’Autriche à Ambérieu ».

Le seul anarchiste officiel de l’Ain : Chevriaux.
n 1911, le seul anarchiste officiel de l’Ain est donc Joseph-Charles Chevriaux, ainsi qu’en témoigne la déclaration du Sous-préfet de Nantua (22 décembre 1911) :
« Anarchistes résidant en 1911 dans l’arrondissement de Nantua : Chevriaux (Joseph-Charles), né le 11 novembre 1882 à Lyon (dessinateur, sans domicile fixe), ancien agent-voyer à Nantua. Cet individu, inscrit comme anarchiste à Saint-Claude où il a été domicilié, réside depuis quelque temps à Oyonnax, café Terminus, route d’Arbent ». Un télégramme du Commissaire spécial de Saint-Claude, adressé le 1 août 1907 à la Sûreté générale de Paris, nous en apprend cependant davantage : « a disparu de St Claude à nouveau âge 24 ans taille 1m78 cheveux châtain foncé petite moustache châtain foncé teint assez coloré visage orthognate très myope ne peut se passer de binocles [...] doit être vêtu chapeau mou veston noir culotte
cycliste avec bas noir bordure blanche [...] d’une force herculéenne dangereux lorsqu’il a bu »