Quatre poèmes d’Antonio Orihuela

mercredi 5 juillet 2017
par  Janela

Antonio Orihuela est né à Huelva en Andalousie en 1965. Docteur en Histoire, poète et essayiste libertaire. Sa poétique agit comme un révélateur sans concession des réalités sociales et économiques. Sa poétique agit : morsure de l’ironie, mots non mâchés, subtiles perceptions du réel frisant quelquefois une naïveté délibérée. Sa poétique au langage clair et direct est, enfin, une invitation à l’action.

Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes dont Edad de Hierro (1997), Comiendo tierra (2000), Palabras raptadas (2014). Depuis 1999, il coordonne dans la ville de Moguer les rencontres annuelles de poésie Voces del extremo (Voix de l’extrême) qui ont pour but de dénoncer la marginalisation et les injustices sociales... En poésie.

LE RÉPONDEUR AUTOMATIQUE DU NÉOLIBÉRALISME

Si vous voulez du contrôle appuyez sur la touche distraction.
Si vous voulez de la sécurité appuyez sur la touche violence.

Si vous voulez démanteler les droits sociaux
appuyez sur la touche crise économique.

Si vous voulez des mesures impopulaires appuyez sur la touche résignation.
Si vous voulez du public appuyez sur la touche publicité.
Si vous voulez duper appuyez sur la touche suggestionner.

Si vous voulez induire des comportements appuyez sur la touche émotivité.
Si vous voulez de la vulgarité appuyez sur la touche cœur.
Si vous voulez de la culture appuyez sur la touche mode.

Si vous voulez des privatisations, de la précarité et de la flexibilité
appuyez de nouveau sur la touche crise économique.

Votre demande est en cours de traitement.
N’oubliez pas, nos ordres sont vos désirs.

Antonio Orihuela, El mundo está en otro lugar, Ed. Baile del Sol, 2011.

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Je vois de plus en plus de gens
avec un bandeau sur les yeux

J’en ai même vus
dont le bandeau avait un peu bougé
et qui se le remettaient correctement.

Antonio Orihuela, Piedra, corazón del mundo, Ed. Germanía, 2001.

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INSOLIDAIRES

Solidaires avec les banques,
nous leur confions notre argent.

Solidaires avec les politiciens,
nous leur confions notre volonté.

Solidaires avec les chefs d’entreprise,
nous leur confions nos vies.

Solidaires avec les policiers
nous leur confions notre autorité.

Solidaires avec l’Église,
nous lui confions notre foi.

Insolidaires avec nos compagnons de classe,
nous n’avons toujours pas aboli le travail,
nous n’avons toujours pas brûlé l’argent,
nous n’avons toujours pas cessé de voter,
nous n’avons toujours pas récupéré la politique,
nous n’avons toujours pas assumé notre responsabilité,
nous ne nous sommes toujours pas approprié nos vies,

nous n’avons toujours pas confiance en nous,

et nous poursuivons.

Antonio Orihuela, Todo el mundo está en otro lugar, Ed. El baile del sol, 2011.

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La condition politique de la classe ouvrière est liée à sa condition économique ; aussi, sa condition économique étant celle d’esclaves du capital et des pouvoirs, sa condition politique doit aussi être celle d’esclaves.

Jean Cordobés, 1885.

Au vu de ton curriculum
nous avons décidé
de te garder.

Tu seras embauché pour une période de quinze jours renouvelables
et si tu t’en sors bien, pour trois mois
reconductibles.

Au début, tu auras le statut d’assistant administratif,
même si on a dû te dire que celui qui part à la retraite
c’est le comptable.

Ton contrat sera de quatre heures
mais, ne t’inquiète pas, tu en feras huit.
Étant donnée la situation de l’entreprise
on te les paiera à part.

En tout : 372 € par mois
même si tes collègues, histoire d’arrondir,
font trois heures de plus chaque après-midi
et viennent une demi-journée le samedi.
Entre une chose et l’autre,
tu dépasses les 600 €.

Ça marche sauf si tu es fourré en politique,
on ne veut pas d’embrouilles avec les syndicats
ni avec les travailleurs conflictuels.

Tu as entendu ce qu’a dit le Président du Gouvernement ?
Ce qu’il faut pour redresser le pays, non ?
Travail, Sacrifice et Tolérance.

Magnifique, n’est-ce pas ?

Antonio Orihuela, Piedra, corazón del mundo, Ed. Germanía, 2001.