Les organisations libertaires en France

mardi 10 février 2015
par  Gia

Lorsque l’on commence à s’intéresser au mouvement anarchiste, on peut être étonné par la division apparente des organisations libertaires en France. Notre propos est de donner quelques points de repère permettant de comprendre ce qui rassemble et sépare les principales organisations françaises. Il ne s’agit pas ici de retracer l’histoire du mouvement libertaire français (ceci fera l’objet d’un article dans un prochain numéro de l’Éclat), mais d’en dresser un panorama.

Un même projet de société.

Avant de s’intéresser aux divergences qui persistent entre les différentes organisations libertaires, il importe d’insister sur ce qui les rassemble. Toutes ces structures partagent un but commun : la construction d’une organisation sociale où toute forme d’exploitation et de domination de l’humain aura disparu. Cette société sera nécessairement une société sans État et une société sans classes. Toutes les organisations libertaires militent donc pour l’abolition du salariat et pour l’avènement d’une organisation sociale totalement autogérée. Elles combattent toutes les formes d’inégalités et d’injustices inhérentes au système capitaliste. Les organisations libertaires françaises partagent donc un même but et s’accordent sur la critique de l’ordre social existant.

Quelles divergences ?

Les divergences portent essentiellement sur des questions organisationnelles et stratégiques.

La Fédération Anarchiste.

C’est la plus ancienne organisation libertaire française. Elle fonctionne selon le principe du libre fédéralisme (c’est-à-dire la libre association), qui garantit aux groupes et aux individus qui la composent la plus grande autonomie, afin de permettre le pluralisme des idées et des actions dans le cadre d’un pacte associatif que nous appelons nos "principes de base".(Extrait de « Qu’est-ce que la Fédération Anarchiste ? Sur le site http://www.federation-anarchiste.org). On peut mettre en évidence deux caractéristiques qui marquent fortement cette organisation :
- L’autonomie totale des groupes qui la constituent, dans un cadre fédéraliste strict ; les décisions fédérales ( campagnes, axes d’action) sont prises lors d’un congrès annuel, à l’unanimité.

- La synthèse libertaire : la Fédération Anarchiste, même si elle ne prétend pas représenter l’intégralité du mouvement anarchiste, est ouverte à toutes les sensibilités de ce mouvement.

La FA prône différents moyens d’action :

- la propagande (tables de presse, diffusion de textes, émissions de radio) ;
- la participation aux mouvement sociaux ( grèves, manifestations) ;
- la crédibilisation des idées libertaires par leur mise en pratique ;
- la construction de revendications en rupture avec les logiques étatiques et capitalistes.

La FA édite un hebdomadaire (Le Monde Libertaire), diffuse ses idées sur les ondes (Radio Libertaire) et publie de nombreux textes (Éditions du Monde Libertaire) que l’on trouve notamment à la librairie de la FA (librairie Publico : 145, rue Amelot, 75011 Paris).

La Coordination des Groupes Anarchistes.

Elle est créée par des groupes qui ont quitté la FA en juin 2002. La CGA se démarque de la FA, au moins sur deux points :

- La question des prises de décisions : pour les militant-e-s de la CGA, le principe de l’unanimité paralyse l’action. Les décisions sont prises à 75 % de pour. La CGA est une organisation fédéraliste (mandatement collectif, impératif et révocable, rotation des mandats). Les différents groupes qui la constituent se reconnaissent dans des principes (disponibles sur le site http://www.c-g-a.org/) qui ne peuvent être révisés qu’à l’unanimité.

- Le communisme libertaire.

Alors que la FA regroupe les différents sensibilités du mouvement anarchiste, la CGA a l’ambition d’aboutir à une société basée sur le communisme libertaire, d’où les aspects de l’exploitation et de l’aliénation auront disparu (Extraits de Principes et Fonctionnement de la CGA, disponibles sur le site).

La CGA se revendique de la lutte des classes et favorise autant que faire se peut les luttes sociales, les luttes à caractère syndical et les luttes de citoyens et de citoyennes qui s’auto organisent dans le but de faire reculer l’exploitation et la domination !

Nous favorisons l’action directe des individus et des masses afin de réaliser, dès à présent leur nécessaire auto-organisation, alternative réelle à la politique politicienne et à la délégation de pouvoir. (Extrait des Principes).

La CGA s’investit dans le mouvement syndical, mais reste méfiante envers les syndicats institutionnalisés (ce qui se traduit, notamment par la limitation des décharges syndicales à un mi-temps).

La CGA édite un bimestriel : Infos et Analyses Libertaires.

L’Organisation Communiste Libertaire.

Elle est née, en 1976 de la scission de l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste. Si l’OCL se définit comme communiste libertaire, elle ne considère pas l’avènement du communisme comme inéluctable : c’est dans les luttes que le projet communiste se construit.

L’originalité de l’OCL repose sur quelques caractéristiques essentielles : une théorie et une pratique du communisme libertaire fondées sur la lutte des classes ; le mouvementisme et la priorité donnée aux structures de base liées par une communauté d’intérêts, l’anticapitalisme, l’anti-impérialisme, et l’impératif d’une rupture radicale avec l’exploitation, la domination et l’aliénation dans tous les domaines (politique, économie, rapports sociaux de sexe, environnement...). Nous privilégions l’intervention militante créatrice de ruptures politiques et sociales, plutôt que l’affirmation d’un « anarchisme » idéaliste et incantatoire, coupé des affrontements de classes qui traversent la société. (Extrait de Qui sommes-nous ? disponible sur le site http://oclibertaire.free.fr)

Si l’OCL reconnaît que le syndicalisme peut être un moyen parmi d’autres concourant ponctuellement à la lutte des classes, elle se méfie des syndicats institutionnalisés et refuse de lutter à l’intérieur des appareils bureaucratiques et d’occuper des postes de direction et de permanents syndicaux.

L’OCL critique le citoyennisme qui se développe depuis plusieurs années : celui-ci est une forme de négation de la lutte des classes. Si le citoyennisme (notamment républicain) se répand de plus en plus ces dernières années, c’est parce que l’ordre dominant en a besoin pour nier la lutte des classes et s’assurer une cohésion sociale favorable à ses intérêt s (Extrait de Qui sommes-nous ?)

L’OCL publie un mensuel : Courant Alternatif.

Alternative Libertaire.

Elle est fondée en 1991, à partir de la fusion entre le Collectif jeunes libertaires (CJL) et l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL, issue de la scission de l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste en 1976).

Alternative Libertaire, comme la CGA et l’OCL se réclame du communisme libertaire. Mais elle diverge des autres organisations sur différents points :

- Alternative Libertaire vise à participer à la construction d’un vaste mouvement anticapitaliste et autogestionnaire, où le nouveau courant libertaire s’intégrerait sans disparaître (Extrait de Manifeste pour une Alternative libertaire, disponible sur le site http://www.alternativelibertaire.org). Cela conduit AL à chercher l’unité la plus large avec les partis d’extrême gauche se réclamant de l’anticapitalisme, notamment avec le NPA.

- AL préconise la participation active au syndicalisme. Les militant-e-s d’AL se retrouvent le plus souvent dans les syndicats de Solidaires et à la CGT, où ils et elles cherchent à promouvoir un syndicalisme alternatif, mais de masse, y compris en investissant les instances décisionnelles des organisations syndicales.

- Autre point de clivage : la question des élections. Alors que la CGA et l’OCL sont abstentionnistes, AL considère que certaines élections peuvent fournir l’occasion de porter un discours anticapitaliste. Les militant-e-s d’Al sont partagé-e-s sur la participation aux élections. C’est ainsi que le numéro 216 du mensuel Alternative Libertaire (avril 2012) publie une tribune dans laquelle plusieurs militants estiment qu’AL aurait dû adresser des consignes de vote pour les deux tours des élections présidentielles (appeler à voter contre les candidats des plans d’austérité, de Le Pen à Hollande au premier tour ; à battre le candidat de la droite ou de l’extrême droite au second tour).

La Coordination des Libertaires de l’Ain.

La CLA se revendique du communisme libertaire et n’est rattachée à aucune organisation nationale. Nos militant-e-s se reconnaissent dans nos principes qui n’interdisent pas l’adhésion individuelle à une organisation libertaire nationale. Face à la diversité du mouvement libertaire, nous préférons mettre l’accent sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise. C’est ainsi, que nous avons organisé un rassemblement antinucléaire en octobre avec les groupes lyonnais de la FA, de la CGA et de l’OCL. Nous sommes partie prenante de la Foire à l’Autogestion, qui aura lieu les 23 et 24 juin à Montreuil, et à laquelle appellent la FA, AL, la CGA et d’autres organisations libertaires. De même, nous participerons aux Rencontres Internationales de l’Anarchisme de Saint-Imier au mois d’août. Toutes ces rencontres sont l’occasion de faire avancer le débat entre les différentes organisations libertaires et, peut-être, de dépasser certaines divergences.


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