Le mandat impératif

mercredi 11 février 2015
par  Gia

Le mandat impératif peut être défini comme l’antidote à la délégation de pouvoir. Dans une démocratie représentative, les électrices et électeurs désignent unE représentantE qui prétend s’exprimer et prendre des décisions en leur nom. Le parlement, où les députéEs sont censéEs représenter le peuple, en fournit un exemple.

Au contraire, avec le mandat impératif, le/la déléguéE n’a aucune marge de décision : son seul rôle est de rendre compte de ce qui a été décidé par l’assemblée générale
qui l’a mandatéE. Ce principe de coordination, sans délégation de pouvoir, est un des moyens qui permettent de faire vivre la démocratie directe et le fédéralisme libertaire (voir l’Éclat n° 6).

On peut ainsi opposer deux modes de fonctionnement : un fonctionnement vertical et centralisé, dans lequel les éluEs prennent, au sommet, des décisions qui seront
ensuite imposées à la base ; un fonctionnement horizontal et fédéraliste, où les assemblées de base sont les seules instances décisionnelles. Pour que le mandat impératif soit efficace, il doit s’accompagner d’un autre principe : la rotation des mandats. En effet, si la même personne est systématiquement déléguée pour exprimer la voix de son assemblée, elle peut aisément se transformer en spécialiste et l’on court le risque de voir apparaître "une classe exclusivement au fait des principes de l’art social et des lois de l’administration" (Buonarroti).

Le mandat impératif, associé à la rotation des mandats, constitue donc l’un des
outils qui permettront de réaliser une société libertaire, sans pouvoir centralisé. Mais on peut aussi l’expérimenter, au quotidien, dans différentes organisations politiques,
syndicales ou associatives.

Les objections au principe du mandat impératif.

La première objection relève de la nature même de l’État. L’article 27 de la constitution française stipule expressément : "tout mandat impératif est nul". Ce faisant, elle ne reconnaît qu’une seule forme de démocratie : la démocratie
représentative. On comprend aisément pourquoi. Si les déléguéEs étaient soumisEs au contrôle permanent du peuple et révocables à tout moment, l’existence même de l’État serait menacée car il nécessite une stabilité des institutions et des fonctions.
Pour nous, libertaires, c’est bien parce que nous cherchons à construire une société sans État, sans dirigeantEs, que nous défendons le principe du mandat impératif.

La seconde objection est plus pernicieuse dans la mesure où elle n’émane pas de nos ennemis, mais de camarades que nous pouvons côtoyer dans les organisations (syndicales ou autres) dans lesquelles nous militons. De leur point de vue, le mandat impératif ferait obstacle à l’efficacité des prises de décisions car, lors des coordinations entre les organisations de base, les déléguéEs seraient liéEs à ce mandat et ne pourraient pas prendre en compte les différentes positions exprimées lors des débats afin de construire un consensus. Au mandat impératif, il faudrait donc préférer un mandat plus large, susceptible d’évoluer en fonction des discussions, les déléguéEs devant rendre compte, après coup, à leur assemblée des
choix qui auront été faits. A cela nous répondrons que c’est souvent au nom de l’efficacité que se constituent les pouvoirs. Si l’on va au bout de ce raisonnement, autant laisser une personne ou un groupe décider au nom des autres. La démocratie directe nécessite une autre temporalité que celle dans laquelle s’inscrit la délégation de pouvoir. Elle est l’ennemie de l’urgence (réelle ou prétendue) qui justifierait la perte de souveraineté des assemblées. Décider ensemble, cela prend du temps et les
allers/retours entre l’assemblée de base et le niveau fédéral permettent de mûrir les décisions.