La démocratie vue du côté libertaire
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La démocratie vue du coté libertaire
Le vent de révolte qui souffle sur les pays du Maghreb depuis plusieurs mois pour faire éclore la démocratie dans ces pays devrait nous amener à nous questionner sur les différents modèles de démocratie pratiqués par chez nous.
Ici, le modèle dominant est bien sûr celui de la démocratie représentative, qui n’est ni plus ni moins que la délégation du pouvoir d’un peuple à des représentants élus par des citoyens ; citoyens qui leur donnent carte blanche pour voter des lois, gouverner en leur nom et construire un projet de société qui devrait normalement reprendre les aspirations de ce même peuple. Force est de constater que cette démocratie représentative est plongée dans une crise qui semble irrémédiable, à en croire l’évolution de l’abstention aux élections. Cette abstention ne cesse d’augmenter depuis 2004 (34,34 % aux élections régionales de 2004, contre 48,92 % à celles de 2010). Le symptôme est général, quel que soit le type d’élections (Source : Ministère de l’intérieur). La désaffection des citoyens pour ce type de démocratie est tout simplement liée au manque de confiance des gouvernés envers les gouvernants. Les exemples ne manquent pas pour expliquer pourquoi les États ont perdu ou n’ont jamais eu la confiance des peuples. Est souvent mis en avant le manque de responsabilité politique du pouvoir envers les électeurs.
Mais intéressons-nous maintenant aux autres formes de démocraties. La démocratie participative ou la démocratie délibérative n’ont pas plus convaincu que la démocratie représentative. Souvent fers de lance de candidats aux élections représentatives, elles sont un bon moyen de faire croire que la parole des citoyens est prise en compte. Dans les faits, cette prétendue démocratie participative est exercée par le pouvoir comme un alibi lui permettant de figer la démocratie dans son rôle représentatif. La démocratie sociale, quant à elle, voit son influence devenir de plus en plus insignifiante face au pouvoir en place. Les grèves de l’automne dernier contre la réforme des retraites en sont un exemple flagrant. Reste la démocratie directe, et là, nous autres anarchistes, avons notre mot à dire. En général, la démocratie directe est assimilée à la consultation du peuple sous la forme du référendum. L’exemple du référendum de 2005 sur le projet de Constitution européenne suffit à montrer l’inefficacité de ce type de procédé démocratique : malgré le refus du peuple, le gouvernement et le parlement ont adopté trois ans plus tard le Traité de Lisbonne, qui reprend les principales dispositions du projet de 2005.
La démocratie directe, vue par les anarchistes, est fort éloignée de ce procédé consultatif de type référendaire. D’ailleurs, pour nombre d’anarchistes les anarchistes, la démocratie directe s’accompagne obligatoirement du fédéralisme libertaire et de l’autogestion. Cet article n’ayant pas pour objet de définir les principes anarchistes que sont le fédéralisme libertaire et l’autogestion, nous nous concentrerons sur le principe de démocratie directe. Mais gardons bien à l’esprit qu’il ne peut y avoir de démocratie directe sans qu’elle soit accompagnée des deux principes précédemment cités. La démocratie directe prônée par les anarchistes est une démocratie qui va au-delà de la démocratie telle que l’entend le commun des mortels. Au cours de l’histoire, la mise en pratique de cette démocratie à pu voir le jour lors de moments révolutionnaires, comme par exemple dans l’Espagne de 36 où les Anarchistes ont joués un rôle important. Pour les anarchistes il n’est pas possible de pratiquer la démocratie directe, si les fondements de la société ne sont pas en cohésion avec celle-ci. La démocratie directe libertaire s’articule autour du fédéralisme libertaire, qui permet de décentraliser radicalement les prises de décisions en appliquant justement cette fameuse démocratie directe, d’abord au sein de la commune, où chaque citoyen peut donner son avis et devient ainsi l’instigateur des projets et des décisions. Des citoyens sont ensuite mandatés par la base pour faire valoir les aspirations de la commune à un niveau supérieur : la province, la région, la structure centrale. Les mandats sont révocables et l’originalité est que le pouvoir détenu par ces mandatés doit toujours être inférieur au pouvoir détenu par ceux qui les ont mandatés. Les décisions de la commune prévalent toujours sur celles de la province, de la région, de la structure centrale. En quelque sorte cette structure centrale devient le lien fédéral du pouvoir de base.
En résumé, la démocratie directe libertaire est portée par une forte base de démocratie d’assemblée, couplée à un système de délégués politiques temporaires élus par la base et révocables à tout moment ; délégués politiques porteurs de mandats établis par cette même base. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur la démocratie directe vue par les libertaires, ainsi que sur la question du fédéralisme libertaire et les autres notions de base de l’anarchisme. Nous ne manquerons pas de les approfondir dans les prochains numéros de L’Éclat.
Mai 2011