LES HABITS NEUFS DE L’EMPEREUR
par

Antonio Orihuela est né à Huelva en Andalousie en 1965. Docteur en Histoire, poète et essayiste libertaire. Sa poétique agit comme un révélateur sans concession des réalités sociales et économiques. Sa poétique agit : morsure de l’ironie, mots non mâchés, subtiles perceptions du réel frisant quelquefois une naïveté délibérée. Sa poétique au langage clair et direct est, enfin, une invitation à l’action. Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes dont Edad de Hierro (1997), Comiendo tierra (2000), Palabras raptadas (2014). Depuis 1999, il coordonne dans la ville de Moguer les rencontres annuelles de poésie Voces del extremo (Voix de l’extrême) qui ont pour but de dénoncer la marginalisation et les injustices sociales... En poésie.
J’ai 31 ans et je suis fatigué.
Tous les lieux me semblent, au final,
aussi mauvais.
Toutes les personnes, même celles qui m’aiment,
insupportables.
Je ne trouve de sens ni à ce que je fais
ni à ce que je ne fais pas.
Je regarde les autres
avec l’absolue certitude de qui voit
des non semblables,
sereins, résignés, avilis extraterrestres.
Je reviens sur moi
et je me sens comme s’il n’y avait pas d’autres personnes avec qui partager.
Où que je regarde,
l’insupportable mensonge que logent, sécrètent, font germiner
ce temps, ce pays, ce mode de vie
qu’ils appellent
progressiste, tolérant, solidaire, démocratique,
évolué, européen et mieux et encore mieux
que tous ceux qui ont été,
que tous les possibles.
Ce mode de vie où manque tout le nommé.
Qui a brisé la classe travailleuse sans une seule balle,
qui a incarcéré les consciences sans un seul verrou,
qui me refoule sans une seule matraque,
qui m’exclut sans un seul fer incandescent,
sans même une étoile jaune au revers de ma veste.
Ce temps
d’habits neufs,
ce temps d’Empereurs.
Piedra, corazon del mundo, éditions Germania, Valencia 2001.