L’économie privée de l’Ain, c’est-à-dire hors de notre contrôle !

mardi 10 février 2015
par  Bernard

Pour beaucoup de ses habitant-es, le département de l’Ain est perçu comme étant une variété de pays à vocation rurale, qui rime avec ripailles et cultures paysannes (poulets de Bresse, poissons de la Dombes, vins de Cerdon, maïs de la plaine de l’Ain, vaches laitières et fromage de comté dans le Bugey, etc.). Et, ma foi ! nous n’allons pas nous en plaindre, encore que pour le maïs, il y aurait beaucoup à dire. Et pourtant l’Ain est avant tout un département à vocation industrielle, ce dont nous n’avons pas toujours conscience. Quelques chiffres suffisent à en faire la démonstration. L’agriculture n’emploie que 2,7% de la population active alors que l’industrie en emploie 33% et les services 64%, pour une population active totale de 206 000 individu-es (dont 10% de professions libérales et indépendantes) sur un total de 580 000 habitants (INSEE 2008). Nous n’avons pris en compte que les entreprises dites « privées », c’est-à-dire liées directement à l’organisation capitaliste de la société. Rappelons que dans notre conception libertaire, cette séparation public/privé n’est pas opérante, car l’économie libertaire prend en compte toutes les productions répondant aux besoins humains et sociaux « utiles », la production de bouteilles et de logements comme l’éducation ou la santé, dans un même processus autogestionnaire. Les banques et l’industrie d’armement étant, par exemple, à classer parmi les nuisibles.

Les principaux secteurs d’activités industrielles de l’Ain sont les suivants : plasturgie (10% de la production « française » avec 400 entreprises et 12 000 salarié-es), mécanique — métallurgie — poids lourds (900 entreprises et 21 000 salarié-es), agro-alimentaire (470 entreprises et 5 300 salarié-es), bois (160 entreprises et 4 000 salarié-es), services aux industries (2 785 entreprises et 25 300 salarié-es), industries médicales, aéraulique, transport et logistique, équipements électriques — électronique et automatisme. Malgré de sérieux problèmes de compétitivité et de concurrence internationale dans le secteur de la plasturgie, le chômage est relativement faible dans l’Ain, avec un taux à 7, 5% à comparer avec les 8, 9% en Rhône-Alpes et les près de 10% en France (INSEE 2010). L’emploi des femmes dans l’Ain est inférieur de 10 points à celui des hommes conformément à la moyenne nationale. À noter les fortes disparités existant entre les différents territoires, avec par exemple un taux de chômage dépassant les 20% dans certains coins du pays de Gex, avec un fort taux de travail précaire et intérimaire, comme dans le bassin de Boug-en-Bresse et dans le sud du Bugey. Pour plus de détails vous pouvez vous reporter à l’étude réalisée par ALFA3A en 2010 sur la précarité et la pauvreté dans l’Ain. Très frappante aussi, la structure de l’emploi, qui prend à contrepied les poncifs distillés systématiquement sur la fin de la classe ouvrière ; et ce, en dépit des embrouilles statistiques pour confondre les différentes catégories (par exemple, un maçon intérimaire peut être classé dans le commerce ou les professions diverses : c’est selon …) : artisans — commerçants — chefs d’entreprises (0,8%), cadres et professions intellectuelles supérieures (13%), professions intermédiaires (23%), employé-es (28%), ouvrier-ères (36%) [la moyenne d’ouvrier-ères en Rhône-Alpes est de 28% (INSEE 2008)]. Finalement l’élite capitaliste, cela ne fait pas grand monde (0,8% + 13%). Mais quel travail idéologique de leur part pour qu’une large majorité d’entre nous accepte et fasse fonctionner leur système !

Rien de surprenant non plus sur les revenus moyens des différentes classes, qui tout à la fois justifient et renforcent les hiérarchies sociales. Les chiffres qui suivent (INSEE 2008), ne tiennent évidemment pas compte des patrimoines immobiliers, actions boursières et autres revenus fréquents chez les classes dominantes : chefs d’entreprises (77 949 €/an), cadres et professions libérales (44 169 €/an), professions intermédiaires (25 276 €/an), employé-es (17 618 €/an), ouvrier-es (19 245 €/an), apprenti-es et stagiaires (8 925 €/an). Pour être complet il faut dire que la population vivant sous le seuil de pauvreté représente 10, 3% de la population active. Ce sont les fameux travailleurs pauvres, celles et ceux dont le revenu mensuel, après impôts et prestations sociales, ne dépasse pas 791 euros (soit 50% du revenu médian – INSEE 2010). Les richesses produites dans l’Ain en 2010 (PIB : production intérieure brute) sont de 181 810 millions d’euros, soit 9,7% des richesses produites en France avec un PIB/habitant de 29 420 euros (il s’agit bien d’habitant et non pas de salarié-e, ce qui laisse rêveur sur les marges de redistribution des richesses produites). Enfin, et pour dire un mot de l’économie mondialisée, sachons que l’Ain a exporté pour 6 930 millions d’euros et importé pour 4 861 millions d’euros en 2008 (INSEE), selon le tableau ci-dessous. Il y a, dans l’Ain, 70 entreprises étrangères de plus de 50 salarié-es et, à l’étranger, 53 entreprises de l’Ain réparties dans 156 établissements (chiffres officiels de la Chambre du Commerce et de l’industrie de L’Ain pour 2010) :

Pays exportation importation
Allemagne 17,9% 16,5%
Italie 11,3% 20,8%
Singapour 10,1% non communiqué
Espagne 7,1% non communiqué
Royaume Uni 3,9% non communiqué
Chine non communiqué 8,8%
Malaisie non communiqué 5,9%
Belgique non communiqué 5,3%
Il reste beaucoup à dire sur la situation économique de l’Ain et par voie de conséquence sur les résistances et les luttes collectives face à l’exploitation et à la domination capitaliste. C’est aussi pourquoi il y aura d’autres numéros de L’Éclat.