L’accorderie du Bugey
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Il paraît que le temps c’est de l’argent. L’accorderie prend ce vieux credo capitaliste à rebrousse-poil. « Ici, l’argent c’est le temps » (phrase d’Olivier Bailly, de Reporterre). On a encore du mal à se sortir du dieu pognon ? Pas si sûr !
L’accorderie est un système d’échange de services entre accordeurs ou accordeures (on ne dit pas « accordeuse », bien qu’un petit vent de révolte se fasse sentir et revendique ce terme). L’accordeurE est une personne adhérant gratuitement, proposant simplement un service qu’elle peut rendre. On ne peut pas proposer un service si on l’exerce professionnellement (mécano, coiffeur, maçon etc.). Ben oui, on nous laisse faire mais faut pas exagérer !
Dans l’échange, une heure égale une heure. Il n’y a pas de degré de valeur d’un service. Jardinage, cours, informatique, dépannage, ménage, cuisine, voiturage, coiffure, petits bricolages, aide au déménagement : tous ces services ont la même valeur.
Ce système supprime le rang de « supériorité » ; on se sent d’égal à égal. Tout le monde est capable de proposer, de faire quelque chose. Cela permet l’échange, le contact, la rencontre, le partage aussi bien intellectuel que manuel.
Au départ, tous les accordeurs ont un compte-temps de 15 heures et, pour favoriser l’échange et éviter la spéculation, on ne doit pas avoir plus de 25 heures.
Des ateliers sont proposés. Ceux qui animent ces ateliers sont "rémunérés" en chèques- temps (cours de chant, réparation de vélos, lecture, sophrologie, balades) afin de favoriser la rencontre entre tous les accordeurs et accordeurEs.
L’accorderie du Bugey est portée par l’association « La Corde Alliée » qui doit obligatoirement avoir un salarié (c’est dans les statuts ; un mi-temps est suffisant) pour gérer et organiser les différents ateliers et moments forts tout au long de l’année.
D’une quarantaine d’accordeurEs la première année, on dépasse les 200 en cette fin 2016 et c’est pas fini...
Le hic ? Les subventions (c’est du pognon). La fondation MACIF, qui finançait les quelques deux ou trois accorderies du début, se retire. Est-ce dû aux quelques vingt-neuf accorderies et au succès croissant de ce système ?
Toutes les institutions, mairies ou CAF, s’accordent pour dire le plus grand bien de ce système qui sort des personnes de l’isolement et leur permet de reprendre ou de prendre confiance en eux. L’aspect financier ? c’est une autre histoire...
Pour répondre à ma question : a-t-on encore du mal à se sortir du dieu pognon ? Je dirais oui et non. Non car l’association rappelle souvent aux accordeurEs de jouer le jeu du chèque-temps. Certains oublient ou ne veulent pas de chèque pour un service rendu, car il faut bien justifier le nombre d’échanges valeur-temps. Pour d’éventuels financeurs, oui le dieu pognon a encore de beaux jours devant lui. Quoique...