L’Eclat numéro 16
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Quand l’exception devient la règle
Prolongé depuis novembre 2015, l’état d’urgence a implicitement changé de statut. Conçu à l’origine comme « une mesure exceptionnelle pouvant être décidée par le Conseil des ministres, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique » (vie-publique.fr - Direction de l’information légale et administrative), il s’est banalisé à tel point que les restrictions aux libertés publiques sont devenues monnaie courante et soulèvent relativement peu de protestations (interdictions de manifester, perquisitions abusives, assignation à résidence de militantes lors des manifestations, etc.). Le 13 novembre, Valls a été clair : il faut s’attendre à ce que l’état d’urgence soit de nouveau prolongé en période électorale afin de sauver la « démocratie » (entendez : la république au service du patronat).
Épidémie de matraquophilie galopante
Les manifestations contre la loi travail ont été l’occasion d’un déchaînement inouï de brutalités policières. Forts de l’impunité garantie par un gouvernement de gauche fustigeant les soi-disant casseurs, les cognes ont pu donner libre cours à leur goût pour la violence. Mais cela ne leur a pas suffi. Les dernières semaines ont vu se développer des manifs de flics revendiquant, entre autres, un assouplissement de la loi sur la légitime défense. Bénéficiant de la sympathie des médias matraquophiles, ils sont déjà certains d’être écoutés avec bienveillance par le ministre de l’intérieur. S’ils obtiennent gain de cause, on peut s’attendre à ce que le droit à la bavure soit garanti.
L’insécurité sécuritaire
Dans la foulée, Wauquiez, président de la région Rhône-Alpes-Auvergne, a annoncé que les TER seraient gratuits pour les policiers et les gendarmes. Il a justifié sa décision en affirmant : « Nous avons intérêt à ce qu’un maximum de policiers et de gendarmes empruntent nos TER. Cela offrira plus de sécurité aux voyageurs par une présence accrue. Dorénavant, il faudra savoir qu’un passager dans un train pourra être un policier et qu’il pourra avoir son arme de service. » Voilà de quoi nous rassurer : les trains seront garnis de brutes en civil dangereusement armées.
Soixante millions de suspects
Comme si cela ne suffisait pas, un nouveau fichier a été instauré par décret le 30 octobre. Il va permettre de centraliser toutes les données liées à la création des cartes d’identité et des passeports (couleur des yeux, taille, etc.). Toute la population y passe : chaque voisin est un flic en puissance, mais est aussi un suspect potentiel. Fliquons-nous les uns les autres et la police fera le reste.
Ne pas laisser faire
Refusons la banalisation de ces restrictions aux libertés qui nous sont imposées depuis un an. Il nous appartient de dénoncer l’autoritarisme insidieux qui s’installe progressivement sous la forme d’un provisoire durable. Rien ne justifie ces atteintes à nos libertés.