À la fin du repas

jeudi 25 juillet 2019
par  Finestra

Antonio Orihuela est né à Huelva en Andalousie en 1965. Docteur en Histoire, poète et essayiste libertaire. Sa poétique agit comme un révélateur sans concession des réalités sociales et économiques. Sa poétique agit : morsure de l’ironie, mots non mâchés, subtiles perceptions du réel frisant quelquefois une naïveté délibérée. Sa poétique au langage clair et direct est, enfin, une invitation à l’action. Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes dont Edad de Hierro (1997), Comiendo tierra (2000), Palabras raptadas (2014). Depuis 1999, il coordonne dans la ville de Moguer les rencontres annuelles de poésie Voces del extremo (Voix de l’extrême) qui ont pour but de dénoncer la marginalisation et les injustices sociales... En poésie.

À la fin du repas
j’ai montré à ma mère
le livre de poèmes
qu’on vient de me publier.

L’arthrite de ses mains
lui permet à peine de le garder ouvert
et ses rares années d’école
parcourent les mots
comme un enfant qui marche à quatre pattes
jusqu’à rendre les vers incompréhensibles.

Folle de joie,
fière de son fils,
elle lit un poème
à mon père
qui la regarde depuis le canapé.

Quand elle finit,
elle lève la tête
et voit mon père endormi.

Elle le réveille
et recommence
jusqu’à trois fois
la lecture...

Moi, je ne dis pas un mot,
je pense aux patrons de la force des humbles,
aux temps délicieux qu’ils leur ont volé,
à la langue qu’ils leur ont à peine laissée pour manger
et se reproduire

aux professionnels du style,
aux critiques des lettres,
et à la distance qu’il y aura toujours
entre le peuple simple et travailleur
et ce qu’on appelle littérature.